[Quartier de la Part-Dieu : le lot "J"]

[Quartier de la Part-Dieu : le lot "J"]
droitsCreative Commons - Paternité. Pas d'utilisation commerciale. Pas de modification.
localisationBibliothèque municipale de Lyon
technique1 photographie numérique : couleur
descriptionVue prise depuis la Tour du Crédit lyonnais.
historiqueLe 21 novembre sera cédé aux enchères le terrain le plus cher jamais vendu à Lyon. L'Etat a fixé la mise à prix du lot J, qui jouxte le centre commercial de La Part- Dieu, à 185 millions de francs. Pour 5700 mètres carrés. Les professionnels de l'immobilier en restent sans voix. Un droit à construire de 100.000 mètres carrés est attaché à cette parcelle. Le prix démesuré se justifie notamment par la rareté : une fois le lot J vendu, il ne restera plus un seul terrain de libre à La Part-Dieu. Selon les spécialistes de l'immobilier commercial, un tel tarif rend difficilement concevable la mise en oeuvre d'un projet de bureaux. En revanche, le centre commercial, qui craque de toute part, est vivement intéressé par la parcelle. S'il remportait le morceau, il pourrait étendre sa surface d'environ 15 000 mètres carrés.
historiqueJamais, de mémoire de professionnel, un terrain lyonnais n'avait atteint une telle envolée. Jamais le mètre carré de terre en friche n'a été aussi bien valorisé. Le 21 novembre [2001] sera vendu, à la bougie, dans une petite salle de la cité administrative d'Etat, ce qui sera certainement, pour encore de nombreuses années, le terrain le plus cher de Lyon. Voire de France ? La mise à prix a de quoi donner le vertige : pour cette parcelle de 5743 mètres carrés, la dernière restée libre dans le quartier de La Part-Dieu, l'Etat a fixé une mise à prix de 185 millions de francs. Soit 32.213 francs et quelques centimes par mètre carré. Le produit de la vente ira, pour l'essentiel, dans les caisses de la DDE, à qui appartient ce terrain. Pour les professionnels de l'immobilier - qui représentent les acheteurs potentiels - on crie à la déraison. Pour plusieurs raisons. "Cela me paraît complètement démesuré. Nous avons été très surpris quand nous avons vu le montant. Pour que ce prix soit dans le marché, il faudrait construire 100.000 mètres carrés de bureaux. Par ailleurs, nous avons été très surpris des délais accordés : entre le moment où nous avons connu le prix et le moment de la vente, il ne va s'écouler que quatre semaines. Comme voulez-vous que l'on fasse les études nécessaires pour équilibrer un projet avant de sortir un chèque de 185 millions de francs ?", explique Eric Bonnet, responsable du bureau de Lyon de Jones-Lang-Lasalle, qui ne donne pas cher de l'adjudication du 21 novembre. Mêmes doutes chez Auguste-Thouard : "Je ne vois pas bien qui pourrait financer cette opération à un tel prix, même si le terrain est magnifiquement bien placé", précise Alain Schori, le responsable rhônalpin du groupe. Pour fixer le prix de vente, les Domaines sont partis du principe que ce qui est rare est cher. Or, le lot "J" est le dernier espace libre où peut s'aiguiser l'appétit des promoteurs à La Part-Dieu. Par ailleurs, le prix a été fixé en fonction des droits à construire attachés à ce terrain. Les domaines estiment qu'en densifiant au maximum le bâti, il est possible d'y ériger 100.000 carrés de bureaux ou de locaux commerciaux. "Le prix a été fixé par le secrétaire d'Etat au Budget en fonction des données du marché de La Part-Dieu. Or, nous sommes obligés de valoriser le terrain au maximum par rapport à son potentiel", explique-t-on au service des Domaines, qui dépend des services fiscaux du Rhône. Quant aux délais plus que court, vu les enjeux, ils s'expliqueraient par une procédure administrative très lourde : le terrain, qui appartenait au domaine public, a dû être déclassé pour qu'il atterrisse dans le domaine privé de l'Etat. La vente, puisqu'elle dépassait 12 millions de francs, a dû ensuite faire l'objet d'un arrêté signé par le secrétaire d'Etat. Or, cet arrêté, signé en juin, oblige à vendre le terrain avant la fin de l'année. Une première vente avait été programmée le 13 septembre, mais elle a finalement été repoussée compte tenu des attentats du 11 septembre. "Nous ne voulions pas non plus que la vente intervienne pendant les fêtes", précise-t-on aux domaines. La fenêtre de tir était donc plus que réduite. Reste à savoir si ce qui est techniquement possible - les 100.000 mètres carrés à construire sur cette parcelle - l'est économiquement. Rien n'est moins sûr : en 2000, qui fut l'année du siècle pour les bureaux à Lyon, 228.000 mètres carrés de bureaux ont été placés dans la région lyonnaise. Selon toute vraisemblance, le marché devrait redescendre en-deçà de 150.000 mètres carrés cette année. Cela signifie que l'opérateur qui s'engage sur la coûteuse parcelle va arriver sur le marché avec un projet représentant, au bas mot, huit mois de commercialisation. Autre inconnue : la Tour Lumière, qui connaît actuellement quelques déboires du fait d'une attaque en règle de la Tour Suisse, va-t-elle finalement voir le jour ? Si l'on ajoute ses 38.000 mètres carrés de bureaux aux 100.000 mètres issus du lot J, le marché lyonnais sera certainement incapable d'absorber dans de bonnes conditions cette arrivée massive de surfaces. A moins que ce ne soit pas des bureaux... Selon diverses sources, c'est le centre commercial de la Part-Dieu lui-même qui pourrait profiter de l'opération pour s'étendre, alors qu'il craque de toute part. Au siège de La Part-Dieu, on n'a souhaité faire aucun commentaire : "On ne voit pas qui d'autre pourrait acheter à notre place...", indique seulement le directeur du centre commercial. Il est vrai que les centres commerciaux peuvent accepter des coûts au mètre carré beaucoup plus élevés que les bureaux. Du côté des domaines, on souligne également que "depuis 1996, il y a des contacts avec le centre commercial". Reste que les propriétaires du plus grand centre commercial urbain d'Europe n'ont pas l'intention de payer autant pour acquérir le terrain, alors qu'ils viennent d'investir 160 millions dans la rénovation complète du centre. Autre difficulté : l'extension du centre commercial de La Part-Dieu est soumise à une autorisation des pouvoirs publics. La CDEC (Commission départementale d'équipement commercial) doit donner son autorisation, et rien n'indique qu'elle le fera. Il est donc envisageable que l'adjudication du 21 novembre soit infructueuse, même si les Domaines évoquent des "contacts quotidiens", avec des opérateurs intéressés, dont certains "ne sont pas surpris par le prix". Si l'adjudication du 21 novembre n'aboutissait pas, le terrain pourrait alors être vendu de gré à gré ou être remis aux enchères. A un prix inférieur. Source : "La Part-Dieu cherche à s'étendre" / François Sapy in Lyon Figaro, 7 novembre 2001, p.8.
note bibliographiquePhotographie reproduite in Lyon Figaro, 7 novembre 2001, p.1.

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